Afghanistan: MSF dénonce une violation flagrante du Droit International Humanitaire
Déclaration du Dr Joanne Liu, Présidente, MSF International
Genève, le 6 octobre 2015
Pendant quatre ans, le centre de traumatologie de Médecins Sans Frontières à Kunduz était la seule structure hospitalière de ce type dans le nord-est de l’Afghanistan capable d’offrir des soins médicaux et chirurgicaux essentiels. Un terme y a été mis le samedi 3 octobre, quand l’hôpital a été délibérément bombardé. Douze membres du personnel de MSF et 10 patients, dont trois enfants, ont été tués. 37 personnes ont été blessées parmi lesquelles 19 membres de l’équipe MSF. Cette attaque est intolérable.
Tout le mouvement MSF est sous le choc et nos pensées vont vers les familles et amis des victimes. Rien ne peut justifier la violence envers des patients, du personnel médical et des structures de santé. Dans le cadre du Droit International Humanitaire, les hôpitaux en zones de conflits sont des espaces protégés. Jusqu’à preuve du contraire, les événements de ce samedi sont une violation inexcusable de cette loi. Nous travaillons sur la présomption d’un crime de guerre.
La semaine dernière, alors que les combats faisaient rage dans la ville, 400 patients ont été soignés à l’hôpital. Depuis son ouverture en 2011, des dizaines de milliers de blessés, civils ou combattants de toutes les parties au conflit ont été pris en charge par MSF. La nuit du bombardement, le personnel de MSF qui travaillait dans l’hôpital a entendu ce qui a par la suite été confirmé comme étant un avion de l’armée américaine qui effectuait plusieurs survols, lâchant ses bombes sur le même bâtiment de l’hôpital à chaque passage. Le bâtiment visé était celui qui hébergeait le service de soins intensifs, les salles d’urgence et le service de physiothérapie. Les autres bâtiments aux alentours ont été en grande partie épargnés.
Alors que MSF avait alerté les commandements militaires afghan et de la Coalition, les attaques aériennes ont continué pendant au moins 30 minutes supplémentaires. L’hôpital était bien connu et les coordonnées GPS avaient été régulièrement partagées avec les autorités civiles et militaires afghanes et de la Coalition, y compris récemment le mardi 29 septembre.
Cette attaque ne peut pas être balayée d’un revers de la main comme une simple erreur ou une conséquence inévitable de la guerre. Les déclarations du gouvernement afghan ont affirmé que les forces talibanes utilisaient l’hôpital pour faire feu sur les forces de la Coalition. Ces déclarations impliquent que les forces afghanes et américaines qui coopéraient ont décidé de raser un hôpital complètement fonctionnel, ce qui constitue l’aveu d’un crime de guerre.
Cette attaque n’affecte pas seulement MSF, elle a un impact sur l’action humanitaire au sens large, et ébranle fondamentalement les principes au cœur son action. Nous avons besoin de réponses, pas seulement pour nous mais pour tout le personnel médical et humanitaire qui porte secours aux victimes de conflits partout dans le monde. Seule une enquête indépendante et transparente sur ce crime permettra de garantir dans le futur la protection des structures de santé et le respect de leur neutralité en zones de guerre.