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Réfugiés rohingyas au Bangladesh: "ils sont si traumatisés qu’ils ne peuvent pas communiquer avec le monde extérieur"

Voici le témoignage de Kate White, coordinatrice d'urgence au Bangladesh. Elle décrit les conditions dans lesquelles vivent les réfugiés rohingyas.

«  Aujourd’hui, il y a des centaines de milliers de personnes entassées le long d’une étroite péninsule qui tentent de trouver de quoi s’abriter. C'est devenu l’un des pires bidonvilles que l’on puisse imaginer. 

L'un des camps qui existait déjà avant l'arrivée de 500 000 nouveaux réfugiés rohingyas
L'un des camps qui existait déjà avant l'arrivée de 500 000 nouveaux réfugiés rohingyas © Antonio Faccilongo. Bangladesh, septembre 2017.

Comme il n’y a pratiquement pas de latrines, les gens ont essayé de dresser une feuille en plastique autour de quatre poteaux en bambou. Il n’y a pas d’endroits pour leurs déchets sauf dans le cours d’eau qui se trouve ici. C’est le même cours d’eau qui, 10 mètres plus loin, est utilisé par d’autres pour récolter de l’eau potable. Ce sont tous les ingrédients pour créer une urgence de santé publique.

Certaines personnes utilisent les vêtements qu’ils ont assemblés pour se fabriquer un abri. Mais après deux jours de pluies torrentielles et d’orages tropicaux, les abris de certaines communautés ainsi que leurs quelques affaires ont été totalement détruits. C’est une horrible situation et vous faites face à la dévastation et au manque total de confort. Je ne peux imaginer à quel point ça a dû être terrible dans leurs villages si c’est cela qu’ils choisissent. Si ceci est leur meilleure option, l’autre devait être un enfer sur terre.

Si traumatisés qu’ils ne peuvent pas communiquer

J’ai entendu les pires histoires. Celles de femmes qui ont perdu leurs maris en essayant de venir ici. Elles passent des jours à marcher avec leurs jeunes enfants, le long de routes bondées de voitures qui vont dans toutes les directions. Certains enfants ont été renversés ou tués par ces voitures. Et en un instant, le futur sécurisé qu’ils tentaient de construire pour leur famille est anéanti. C’est une tragédie à un niveau individuel. Multipliez ces histoires par 500 000 et vous commencez à comprendre à quel point cette situation est atroce.

J’ai aussi entendu des histoires vraiment horribles de personnes qui ont expérimenté la violence le long du chemin. Certains cas de violence ont été si extrêmes que maintenant, ces gens font face à des problèmes complexes en santé mentale. Je parle de patients qui ne sont pas capables de mettre des mots sur ces choses; ils sont si traumatisés qu’ils ne peuvent pas communiquer avec le monde extérieur. Ils se sont repliés sur eux-mêmes pour faire face à cela. Soyons clairs, ce sont des jeunes gens qui ont la vie devant eux et qui ne devraient pas endurer cela. 

Les patients ne veulent pas partir

Les deux principales maladies auxquelles nous faisons face en ce moment sont des maladies diarrhéiques de divers types avec déshydratation sévère. Nous savons que quand il y a autant de gens qui souffrent de la diarrhée et de déshydratations, il y a une corrélation significative avec l’hygiène, l’eau et les conditions sanitaires. 

La clinique MSF de Kutupalong
A la clinique MSF de Kutupalong, plus de 480 personnes ont été soignées suite à des diarrhées en seulement 10 jours. © Antonio Faccilongo. Bangladesh, septembre 2017.

Nous voyons aussi plus de 100 patients par jour qui ont besoin de soins suite à des blessures. Ce sont des personnes qui se sont parfois blessées elles-mêmes en vivant dans ces environnements précaires et le manque d’hygiène a infecté leurs blessures. 

Cela fait longtemps que les personnes fuient de façon graduelle vers le Bangladesh. Le dernier grand groupe, c’était en octobre de l'année dernière. C’était seulement une petite portion par rapport à ce qu’on voit aujourd’hui. Nous pensions avoir des activités étendues à l’époque mais aujourd’hui, nous avons environ 115 patients chaque jour dans une structure de 70 lits. 

Je fais un don 

La plupart des patients ne veulent pas partir une fois qu’ils sont soignés. L’hôpital submergé offre un environnement de vie bien meilleur qu’en-dehors. En tant que professionnelle médicale, c’est vraiment difficile d’envoyer ces gens vulnérables vers ce que vous savez être une situation précaire. Les gens savent ce qu’ils sont censés faire mais ils n’ont pas les moyens de le faire ; ils ne peuvent pas laver leurs mains car il n’y a pas d’eau propre pour le faire. Ils ne peuvent pas aller ni utiliser les toilettes dans un endroit approprié car il n’y en a juste pas. Ajoutez à cela l’incroyable perte de dignité qu’ils doivent ressentir en faisant cela devant les yeux de tout le monde. Littéralement, tout ce qu’ils font se déroule devant une énorme quantité d’autres personnes.  

RESTER OPTIMISTE

L’optimisme qui sommeille en moi aime penser qu’il est au moins humainement possible de mettre en place des mesures très fondamentales pour tenter de freiner la situation. Les réfugiés rohingyas qui se sont installés dans cette zone ce dernier mois n’auront très probablement jamais le confort que vous et moi connaissons et n’auront peut-être jamais un toit solide au-dessus de leurs têtes. Mais c’est possible pour nous de rendre cette situation meilleure que ce qu’elle est maintenant. »