USaid: L'impact des coupes budgétaires sur l'aide humanitaire

La période de soudure, entre mai-juin et septembre-octobre, aggrave la crise alimentaire dans de nombreuses régions du Sahel et nécessite une mobilisation urgente. Parallèlement, des millions de personnes vivant avec le VIH en Ouganda, au Zimbabwe et en Afrique du Sud dépendent de la thérapie antirétrovirale (ARV). Les ruptures de stock d’ARV mettent en péril leur traitement, augmentant le risque d’échec thérapeutique et favorisant l’émergence de résistances médicamenteuses – ce qui pourrait accélérer la propagation du virus. 

Nous observons également un démantèlement progressif de tout un pan du secteur humanitaire. De nombreux programmes ont été suspendus, y compris certains jugés essentiels par les autorités américaines et pourtant officiellement autorisés à se poursuivre. 

Ces interruptions sont souvent liées à des difficultés de gestion des ressources humaines ou à des blocages dans les systèmes de financement. Dans certains cas, les programmes ont été arrêtés sans explication. Les conséquences sont dramatiques pour des millions de personnes vivant dans des zones de conflit, touchées par des épidémies ou confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. 

L’avenir de l’aide humanitaire américaine est gravement menacé. Une réduction massive de son engagement pourrait entraîner, dans les années à venir, une augmentation significative des taux morbidité et de mortalité dans les régions les plus vulnérables. 

Bien que Médecins Sans Frontières soit financièrement indépendante des financements américains, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres organisations humanitaires et sanitaires, ainsi qu’avec les ministères de la santé, pour garantir l’accès à des services essentiels. Une part importante de nos activités s’inscrit dans des partenariats avec des programmes aujourd’hui menacés par les réductions budgétaires — à moins que de nouvelles sources de financement ne soient rapidement mobilisées. 

À la suite d’investissements majeurs en 2022 et 2023, les producteurs de RUTF (aliments thérapeutiques prêts à l’emploi) ont augmenté leur capacité de production pour répondre aux commandes de l’USAID prévues jusqu’à fin 2024, voire début 2025. Or, nombre d’entre eux n’ont toujours pas été payés. Face à la chute brutale des commandes liée aux coupes, certains risquent de devoir cesser leur activité, ce qui compromettrait gravement la capacité de production mondiale à l’avenir. 

Par ailleurs, les réductions américaines dans les programmes de santé mondiaux pourraient sérieusement affaiblir la capacité collective à détecter et contenir les épidémies de maladies infectieuses. Ces coupes interviennent alors même que l’incidence de ces maladies est en forte hausse, rendant les efforts de prévention et de réponse plus essentiels que jamais. 

Refuser de financer l’aide humanitaire, c’est priver d’un accès vital aux soins des populations qui peinent déjà à en bénéficier dans de nombreux contextes. L’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, les soins et la protection pour les personnes migrantes, l’accès aux soins pour les populations vivant dans des zones de conflit — comme à Gaza ou en Cisjordanie — ainsi que le soutien médical, y compris en santé mentale, pour les communautés marginalisées ou victimes de discrimination, sont déjà gravement compromis par ces réductions. Ces coupes mettent des vies en danger. 

Bien que le gouvernement américain n’ait jamais financé directement l’accès à l’avortement dans le cadre de ses programmes de santé mondiaux, l’administration actuelle a mis en place des politiques qui restreignent encore davantage l’accès à des soins d’avortement sûrs. 

Pour pouvoir recevoir des subventions américaines, les prestataires de soins de santé ne sont pas autorisés à informer les patientes sur l’option de l’avortement ni à les orienter vers une aide appropriée. Le gouvernement exerce également des pressions sur certaines organisations multilatérales pour qu’elles soutiennent un programme politique qui restreint l’accès à la santé sexuelle et reproductive, y compris à l’avortement et à la contraception. 

Le droit fondamental des femmes et des filles à des soins médicaux sûrs et à la dignité doit être protégé. Dans les contextes humanitaires, elles figurent parmi les groupes les plus vulnérables et subissent de manière disproportionnée les conséquences des coupes budgétaires et des restrictions politiques. Leur accès aux soins de santé reproductive, à la protection contre les violences sexuelles et à la prise en charge des victimes doit impérativement être garanti. 

Médecins Sans Frontières ne ferme pas de projets en réaction directe aux récents changements de politique ou aux coupes budgétaires américaines. Notre indépendance financière nous permet de poursuivre nos opérations sur le terrain. Nous évaluons en permanence les besoins médicaux afin d’identifier les lieux et les activités où nous pouvons intensifier, élargir ou ajuster notre réponse pour pallier les lacunes les plus critiques. Toutefois, nous ne pouvons pas compenser à nous seuls les conséquences de la diminution de l’aide internationale, ni remplacer l’ensemble d’un système. Plusieurs urgences préexistaient à ces réductions, et nos ressources sont déjà pleinement mobilisées.  

MSF continuera néanmoins à s’adapter pour fournir une aide médicale humanitaire aux personnes qui en ont le plus besoin. 

Il est essentiel de commencer dès maintenant les préparatifs en vue des périodes de soudure, qui sont prévisibles et récurrentes. Pour éviter des conséquences graves et durables sur la santé des enfants et des mères, l’aide alimentaire et les produits nutritionnels thérapeutiques doivent être disponibles au bon endroit et au bon moment.